INTRODUCTION

Voilà un terme actuellement dans l’usage, pour désigner une forme de financement dans la quelle on fait intervenir le secteur privé (BOOT).

Il s’agit d’une abréviation anglaise signifiant «Build Own Operate Transfer ». Ce qui se traduit textuellement en termes français par « Construire Soi-même Exploiter et Transférer ».

Autrement dit, il s’agit pour un privé, en accord avec un Maître d’Ouvrage, commanditaire, de réaliser par ses propres moyens un projet, de l’exploiter ensuite en vendant le produit ou le service à qui de droit, et de le lui transférer après une certaine période.

En fait c’est ce Maître d’Ouvrage qui aurait du se charger de cette réalisation ainsi que de cette exploitation qui sont ses prérogatives, mais faute des moyens financiers, ou par suite d’autres raisons, il demande alors à un privé de le faire à sa place. Ainsi ce dernier exploite le projet et empoche les retombées pendant un certain temps lui permettant de récupérer son dû, ainsi que son bénéfice, pour lui en laisser ensuite la continuation. Il peut aussi exploiter le projet pour lui revendre le produit ou le service suivant des clauses bien définies entre eux.

Ainsi ce BOOT peut se présenter sous différentes formes dont la plus courante se passe entre un Etat et un privé, pour la réalisation d’une utilité publique, comme une centrale électrique pour la société nationale d’électricité, une route, un aéroport etc.….

Cependant, il s’agit d’une forme de contrat assez ardue, demandant beaucoup d’expérience et de compétence de part et d’autre, car souvent source de difficultés lourdes de conséquences pour la partie imprudente qui est généralement le Maître de l’Ouvrage.

En matière de contrat, la partie bien avertie prendra souvent l’initiative de proposer le projet de texte, en y mettant tous ses avantages, et en veillant à les conserver dans la discussion, avec toutefois une bonne maîtrise du sujet. Ceci concerne les propositions spontanées. Toutefois, l’on pourra l’assortir d’un appel d’offres pour respecter la réglementation. Mais la partie est souvent jouée d’avance, surtout si la proposition spontanée miroite une offre apparemment relativement alléchante. Cependant, des conséquences ultérieures fâcheuses pourraient en découler pour la société commanditaire et la population consommatrice.

Cas d’une centrale électrique

Il s’agit d’un cas très courant actuellement dans les pays d’Afrique, mais comportant beaucoup de risques pour le Maître de l’Ouvrage qui ne serait pas suffisamment averti. Ce dernier assure au privé contractant l’achat de toute la production d’électricité à un prix déterminé à l’avance, mais bien entendu avec des conditions explicites ou non, menant vers des variations, et par ailleurs pouvant baigner dans des clauses de confidentialité qu’il se priverait de dénoncer, même dans la souffrance.

Le privé contractant se chargera de trouver le financement, de construire la centrale et de lui vendre l’électricité, à priori suivant ce prix déterminé dans le contrat. Il se trouve simplement que ce prix va évoluer d’une manière perceptible ou non.

En effet, ce privé peut proposer un prix du kilowattheure avec un certain combustible, dont il définirait les caractéristiques. Faute de vigilance du côté du maître de l’Ouvrage, qui jugerait que cela est exclusivement du ressort de son co-contractant, ce combustible pourrait être d’une qualité tellement bonne que la consommation spécifique en valeur monétaire serait insignifiante. Il pourrait alors en découler un prix du kilowattheure tellement intéressant que ce soumissionnaire gagnerait le marché sans difficulté. Mais ceci pourra être assorti d’une correction à l’intérieur du contrat avec un retournement de la situation. Le Maître de l’Ouvrage risque alors de ne s’en apercevoir qu’après avoir fait son bilan annuel, et ne saurait alors faire marche arrière.

Il convient de savoir que dans le cas d’un contrat classique, le vendeur n’est intéressé que par la vente de sa machine pour en tirer le bénéfice souhaité. Il se trouve que dans le cas d’un BOOT, le vendeur est également intéressé au premier chef par la même chose, et que, ce qu’il pourrait gagner dans l’exploitation ne serait qu’un surplus.

C’est la raison pour laquelle, il va scinder le prix du kilowattheure en plusieurs parties :

  1. coût de capacité
  2. coût d’exploitation
  3. coût de combustible
  • Le coût de capacité est tout simplement le coût auquel il aurait vendu la machine s’il s’agissait d’un contrat classique. Cependant, comme il s’agit d’un paiement à long terme, toutes les charges financières éventuelles y seront incluses, y compris en particulier la rémunération des actionnaires. Par ailleurs il introduira une clause lui permettant de faire payer cette partie même si la machine tombe en panne. Ainsi, il a réussi sa mission.
  • Le coût d’exploitation va prendre en compte les charges fixes comme la rémunération des travailleurs, ainsi que les coûts de maintenance. Cette exploitation pourra même être confiée à une tierce partie.
  • Enfin le combustible sera payé à part par le Maître de l’Ouvrage, et coûtera ce qu’il coûtera, avec une prise en compte des conditions suivantes :
  1. Le propriétaire de la machine veillera à ce qu’il soit compatible à un fonctionnement sans problème, sinon il sera en droit de ne pas produire. Pourtant dans un contrat classique, le Maître de l’Ouvrage détermine les conditions du site auxquelles les soumissionnaires devront se conformer et en particulier, le combustible dont il dispose, et avec lequel les machines devront fonctionner.
  2. Dans beaucoup de cas, le co-contractant demandera au Maître de l’Ouvrage de s’occuper de la fourniture du combustible, ce qui peut sembler anodin et pourrait être accepté sans problème.  Ceci exclura ce combustible du coût du kilowattheure à payer, dont le caractère élevé baisserait en visibilité.
  3. Par ailleurs, ce privé exigera une capacité calorifique du combustible conforme à celle qu’il a définie comme référence, et lui permettant de respecter le prix annoncé. Sinon il procédera aux corrections financières lui permettant de réajuster le prix, cette clause étant à priori incluse dans le contrat, même si cela peut échapper à la vigilance du Maître de l’Ouvrage. Ce dernier ne devrait pas manquer d’examiner le caractère acceptable de cette référence.
  4. Il s’en suit également qu’un manque de vigilance ne lui permettrait pas de s’apercevoir d’une mauvaise consommation spécifique de la machine, ceci renchérissant pourtant le coût final du kilowattheure.

CONCLUSION

Ainsi, tout compte fait, un Maître d’Ouvrage qui ne s’intéresserait pas à ces éléments pourrait se retrouver avec un moyen de production dont le coût du kilowattheure deviendrait exorbitant sans pouvoir en circonscrire les causes véritables. Ce sera surtout celui-là qui pense que le co-contractant n’a qu’à se débrouiller pour lui fournir de l’énergie, et qu’il ne devrait s’occuper que de payer le kilowattheure fourni.

Or, le danger est d’oublier qu’un moyen de production dont le coût du kilowattheure est mauvais, parce que très élevé, devrait fonctionner le moins possible. Il devrait plutôt intervenir en appoint, pour ne pas alourdir les frais de la société. C’est le cas des Turbines à gaz (TAG) dont non seulement la consommation spécifique est élevée mais encore, le combustible utilisé coûte environ deux fois plus cher que le fuel lourd généralement utilisé par les turbines à vapeur (TAV) et grosses machines de type diesel.

C’est la raison pour laquelle, une Turbine à gaz devrait être surveillée pour n’intervenir qu’en appoint pendant les heures de pointe, et ne devrait pas fonctionner plus de 1500 heures par an. On ne devrait l’acheter qu’en cas de surprise par une situation de mauvaise planification, cela devant servir de leçon pour ne pas en accumuler davantage.

Mais voilà que les contrats BOOT peuvent cacher des coûts de kilowattheure élevés pouvant avoisiner ceux des Turbines à gaz, tout en étant assortis de la clause « Take Or Pay ». Ce terme anglais qui signifie « Prends Ou Paye » exige que le Maître de l’Ouvrage achète toute la production pour en faire ce qu’il voudra, car il la paiera quand même.

Avec un tel système, le classement des moyens de production perd son sens.

C’est ainsi qu’on peut se retrouver avec un moyen de production dont le coût du kilowattheure avoisine celui des Turbines à gaz, tout en devant fonctionner en permanence.

Cela pourrait mettre à genoux une société d’électricité.

Il convient de savoir que l’électricité est une utilité publique qui doit être produite au moindre coût.

Cette forme de financement, qui serait recommandée par des bailleurs de fonds, est inadaptée pour une utilité publique, dans la mesure où un privé tentera toujours de faire le maximum de gain par une augmentation par tous les moyens de son prix de vente, par des coûts à première vue, invisibles.

Elle est plutôt adaptée entre privés avertis, dont le Maître de l’Ouvrage exploite une production industrielle assez importante avec une rentabilité suffisante lui permettant de fabriquer sa propre électricité, et d’être autonome sur ce plan, dans l’aisance. Ce Maître d’Ouvrage sera bien entendu assez futé dans le domaine pour ne pas se laisser tromper. D’ailleurs, c’est ce Maître d’Ouvrage qui pourra  céder le reliquat de son énergie électrique à la société nationale d’électricité, à un prix dérisoire. En effet il s’en sort avec la valeur ajoutée beaucoup plus consistante résultant du produit de son industrie et non de la fabrication d’une électricité qui ne lui sert que d’intrant.

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Ing. Genie Electrique

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